Dans les recoins escarpés des majestueuses montagnes des Andes d’Amérique du Sud réside une créature aussi fascinante que mystérieuse : l’ours à lunettes (Tremarctos ornatus). Aussi appelé ours des Andes, c’est une espèce emblématique de la faune sud-américaine, et est souvent méconnu du grand public malgré son importance écologique. Malheureusement, ces ours sont aujourd’hui confrontés à de graves menaces qui mettent en péril leur survie dans la nature.
Dans cet article, plongeons dans l’univers captivant de l’ours à lunettes, explorant son mode de vie, ses habitats, ses défis de conservation et les efforts entrepris pour protéger cette icône des montagnes sud-américaines.
Apparence et habitat
L’ours à lunettes tire son nom des marques claires encerclant ses yeux, mais ces taches peuvent également être présentes sur ses joues, son museau ou sa gorge. La taille, la coloration et la configuration des taches blanches varient souvent d’un individu à l’autre, ce qui en fait des caractéristiques utiles pour l’identification. Son pelage, généralement brun ou noir, est doté de poils longs. Ses longues griffes recourbées lui permettent de grimper habilement aux arbres.
De taille modeste, il passe souvent inaperçu. En effet, l’ours à lunettes est l’une des plus petites espèces d’ours ; les mâles adultes pèsent en moyenne 150kg, tandis que les femelles adultes pèsent 80kg environ. Les plus grands spécimens ne dépassent pas les 2 mètres de long pour une hauteur de 1 mètre, et peut atteindre une vitesse maximale de 50 m/h. Enfin, il a une espérance de vie de 25 ans environ à l’état sauvage.
Ces ours, endémiques des Andes, se trouvent principalement dans les régions montagneuses, les páramos, et les forêts humides d’altitude allant du Venezuela jusqu’à la Bolivie, en passant par la Colombie, l’Équateur et le Pérou.
Ces animaux ont besoin de vastes territoires pour se nourrir et trouver des partenaires, pouvant couvrir jusqu’à 50 km2. Les ours à lunettes peuvent vivre à des altitudes extrêmes allant jusqu’à 4 750 mètres au-dessus du niveau de la mer !
Il est le seul représentant vivant de la sous-famille des Tremarctinae et le seul membre de la famille des Ursidae (ours) à habiter en Amérique du Sud, depuis plus de 5 millions d’années.
Comportement et régime alimentaire
Préférant les environnements isolés des forêts de nuages luxuriantes sur les pentes des Andes. Ces ours sont principalement nocturnes et se nourrissent principalement de végétaux, se régalant de fruits, de baies, de cactus et de miel. Leur agilité leur permet de se percher dans les arbres sur des plates-formes rudimentaires, construites à partir de branches cassées, où ils attendent patiemment que les fruits mûrissent.
Ils possèdent des mâchoires puissantes et des molaires larges et plates adaptées à la mastication des végétaux coriaces tels que l’écorce des arbres et les bulbes d’orchidées. Bien que principalement herbivores (c’est en fait l’ours le plus végétarien après le panda), ils complètent parfois leur régime avec de la viande en chassant de petits rongeurs, des oiseaux, des insectes et même de petits mammifères, ce qui en fait les plus grands carnivores d’Amérique du Sud.
Contrairement à de nombreux autres ours, ils n’hibernent pas, car leur approvisionnement alimentaire demeure disponible toute l’année. L’ours à lunettes joue un rôle vital dans l’écosystème et la régénération des forêts en dispersant les graines d’arbres qui sont trop grandes pour être digérées par d’autres espèces animales. Les scientifiques estiment que ces ours sont responsables de la propagation de trois types d’arbres essentiels dans leur habitat. Leur présence dans une région est souvent considérée comme un signe de la bonne santé des écosystèmes forestiers et de la disponibilité en eau.
Les ours à lunettes adultes sont généralement des animaux solitaires, se regroupant habituellement seulement pendant la période de reproduction, atteignent la maturité sexuelle entre 4 et 7 ans. On sait qu’ils peuvent s’accoupler à n’importe quel moment de l’année, bien que l’activité reproductrice la plus élevée soit enregistrée entre avril et en juin. Les femelles mettent généralement bas à un ou deux oursons, qui commencent à se déplacer après environ un mois mais restent avec leur mère pendant environ huit mois, souvent en s’accrochant à son dos lors de leurs déplacements.
Menaces et conservation
Malheureusement, l’ours à lunettes est confronté à de graves menaces qui compromettent sa survie dans la nature. Il est classé comme vulnérable sur la liste rouge de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).
La principale menace est la perte et la fragmentation de son habitat due à la déforestation, à l’expansion agricole et à l’urbanisation croissante. La conversion des forêts en terres agricoles prive ces animaux de leur habitat naturel et réduit leur accès aux ressources alimentaires.
De plus, la chasse illégale et le braconnage représentent une autre menace significative pour les ours à lunettes. Leur fourrure est parfois chassée pour le commerce illicite, tandis que les conflits avec les populations locales surviennent parfois en raison de préoccupations liées à la sécurité des troupeaux ou aux cultures.
Face à ces menaces, diverses initiatives de conservation sont en place pour protéger de nombreuses espèces, dont l’ours à lunettes. Cela comprend la création de réserves naturelles, l’éducation des populations locales sur l’importance de la conservation, et la lutte contre le commerce illégal des espèces sauvages. L’engagement actif des communautés locales dans ces programmes de conservation est crucial pour promouvoir une coexistence harmonieuse et durable entre les ours et les êtres humains.
Par exemple, en 2017, une assemblée provinciale du département d’Antioquia a donné son aval à l’établissement d’un nouveau corridor dans la partie sud-est de la province d’Antioquia. L’objectif est de restaurer l’écosystème de l’ours à lunettes, tout en assurant la protection, la surveillance et le suivi de cette espèce menacée et de son habitat.
Importance écologique et culturelle
L’ours à lunettes joue un rôle crucial dans l’écosystème des forêts tropicales d’Amérique du Sud en tant que disperseur de graines. Leur présence contribue à maintenir l’équilibre écologique et la diversité biologique de ces habitats précieux.
Sur le plan culturel, les ours à lunettes sont souvent vénérés par les communautés autochtones d’Amérique du Sud, qui les considèrent comme des symboles de force, de sagesse et de connexion spirituelle avec la nature. Ils sont également une attraction touristique importante dans certaines régions, attirant les amateurs de nature et contribuant ainsi à l’économie locale grâce à l’écotourisme.
Des références à l’ours (oso en espagnol) des Andes sont présentes dans les noms communs de certaines plantes, telles que « la mano de oso » (Oreopanax bogotensis) et « la hierba del oso » (Xerophyllum tenax). Il est courant de trouver des sites ou des lieux portant le nom de l’ours des Andes en hommage à cet animal : Alto del Oso (Colombie), Cueva del Oso (Équateur), Quebrada El Oso (Colombie, Pérou, Venezuela), Vereda del Oso (Colombie), et bien d’autres encore. Ainsi, l’ours des Andes est ancré dans le patrimoine culturel et la vision du monde des pays de la région andine.
Et un dernier clin d’œil : l’ours à lunettes figure sur les billets de 50 bolivars vénézuéliens.
Où observer l’ours à lunettes en Colombie ?
L’ours à lunettes n’est pas un animal facile à observer dans son milieu naturel. Il n’y aurait pas plus de 8 000 ours à lunettes (pour une population totale de 18 000 individus dans toute l’Amérique du Sud). D’autant plus qu’il est plus actif au crépuscule et la nuit.
N’oublie pas qu’il est essentiel que ces expériences soient gérées de manière durable, afin de minimiser l’impact sur la faune et la flore. Cela passe notamment par des randonnées accompagnées d’un guide professionnel, de ne pas faire de bruit, et surtout, si tu as la chance d’en apercevoir un, de ne pas le déranger. L’ours à lunette n’est pas un animal de nature agressive avec l’homme, excepter dans 2 situations critiques : une mère avec ses petits qui peut être très agressive car elle nous voit comme une potentielle menace pour ses oursons ; et si l’ours se sent acculé, sans aucune autre échappatoire que celui bloqué par toi.
Bien que techniquement, on puisse l’observer dans l’ensemble des Andes, certains espaces naturels protégées sont plus propices pour les voyageurs, car plus facilement accessibles, et une certaine facilité logistique (transports, agences, etc.), en plus de garantir une meilleure préservation de la faune et flore de la zone. Mais garde en tête qu’observer à ours des Andes au cours d’une sortie d’un jour est extrêmement rare.
Parc Naturel National de Chingaza (Bogotá) : le parc naturel national de Chingaza est reconnu comme l’un des sites privilégiés pour observer l’ours à lunettes. Les sentiers à travers la forêt nuageuse et les landes, tels que le sentier Laguna de Buitrago, le sentier Laguna de Chingaza et le sentier Laguna Seca, offrent des opportunités uniques d’exploration. En plus de leur richesse écologique, ces sentiers sont une option pratique pour les voyageurs en termes de logistique, de coût et de temps, étant donné leur proximité avec Bogotá.
Parc Naturel National de Sumapaz (Bogotá) : le parc naturel national de Sumapaz des écosystèmes uniques, allant des páramos aux forêts de nuages. En tant que zone protégée, Sumapaz offre des habitats essentiels pour de nombreuses espèces animales, dont l’ours à lunettes.
Parc Naturel National de Pisba (Monguí) : le parc naturel national de Pisba est un autre exemple de parc abritant des écosystèmes de páramo, de sub-páramo et de haute forêt andine. Il est recommandé de concentrer les visites dans les zones contenant des lagunes, car l’ours à lunettes y recherche constamment sa nourriture, notamment des plantes, des fruits et des insectes qui abondent autour de ces plans d’eau.
Parc Naturel National Los Nevados (Manizales, Pereira, Salento) : le parc naturel national Los Nevados figure parmi les attractions phares de la Colombie. Lors de ta visite, des sites incontournables tels que le lac Otún ou le Páramo de Frontino sont à explorer pour avoir la chance d’apercevoir l’ours à lunettes ou d’identifier ses traces. Cependant, cela demande une grande patience !
Parc Naturel National El Cocuy (El Cocuy) : le parc national El Cocuy est l’une des réserves les plus vitales de Colombie, abritant la plus grande étendue de glace et de neige du pays. Avec un peu de chance, tu pourras observer un ours à lunettes dans les páramos et les forêts andines, en explorant des zones telles que La Esperanza, Laguna Grande et Pulpito del Diablo.
Parc Naturel National Farallones (Cali) : le parc naturel national des Farallones de Cali constitue en fait la plus vaste zone écologique protégée de la région du Valle del Cauca. Pour augmenter tes chances d’observer l’ours à lunettes, il est recommandé de faire de la randonnée dans le páramo de San Antonio ou dans les zones aux abords du pic de Pance, où ce mammifère a été repéré à de nombreuses reprises.
Parc Naturel National de Puracé (Popayán, San Agustín) : le parc naturel national de Puracé est la zone d’origine des principaux fleuves colombiens, notamment le Magdalena, le Cauca et le Caquetá, et son paysage est caractérisé par la présence de 11 volcans. Pour observer l’ours à lunettes, il est conseillé de se rendre dans des secteurs proches de la Laguna de San Rafael ou dans le páramo de Puracé, qui sont des lieux propices à leur observation.